La lettre des décideurs économiques et financiers des hôpitaux

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ÉDITORIAL - ÉVÈNEMENT

Le financement citoyen : l'avenir pour l'hôpital public français ?

Anne TRANCHARD

Directeur des Finances et du Numérique du GHT 43

Dans un contexte d'instabilité généralisée en France (crise politique internationale, crise économique, crise des institutions politiques, crise sociale), les hôpitaux manquent de lisibilité et de visibilité sur leur avenir. Face aux difficultés d'adopter un PLFSS pour 2026, à adopter une stratégie claire, innovante et performante pour la santé de demain de nos concitoyens, ces derniers ne seraient-ils pas l'ultime solution à un système au bord de la faillite ?

En effet, depuis 2022, nous assistons à une dégradation de la situation sur tous les plans, à une incapacité ou une inertie à se projeter vers l'avenir, encourageant alors au repli sur soi des citoyens, sur des valeurs dites sûres (le refuge vers l'étalon or), favorisant la fluctuation des taux interbancaires au gré des annonces des différentes institutions nationales et mondiales. Parallèlement, la situation financière des hôpitaux publics se dégrade, faute de financements suffisants pour compenser les différentes mesures prises suite à la crise sanitaire COVID 19. L'hôpital public a fait l'objet de mesures indispensables à sa revalorisation : les mesures SEGUR, BRAUN, GUERINI, le plan France Relance... pour relancer la dynamique des investissements quotidiens et des investissements innovants en matière de santé, pour renforcer l'attractivité des métiers du monde de la santé.

Ces mesures, indispensables pour l'hôpital de demain, n'ont pas été compensées à la hauteur de leurs coûts et ont, en effet, boule de neige avec les conséquences de la situation économique et politique internationale, notamment en matière d'inflation, contribué à creuser les dettes et les inégalités en matière de santé entre les structures. En effet, les établissements avec une dynamique forte d'activité aujourd'hui peinent à dégager des marges de financement sur leur exploitation permettant d'investir pour demain. Certains arrivent tout juste à couvrir leurs besoins en trésorerie et, de ce fait, génèrent des recettes supplémentaires pour payer des dépenses supplémentaires décidées au niveau national. Comment faire pour ceux qui n'ont pas retrouvé leur niveau d'activité antérieure à la crise sanitaire ? Comment financer les investissements à long terme et, à plus court terme, la trésorerie lorsque l'activité ne suffit plus ? Dans un contexte où on constate un blocage à décider et à adopter des mesures fortes pour l'avenir de notre système de sécurité sociale, les hôpitaux peinent à continuer à aller de l'avant.

Au bord de la crise financière, certains hôpitaux ne trouvent plus de banques pour leur prêter, que ce soit en matière de trésorerie ou en matière d'investissements. Ils se retrouvent alors dans une impasse face à des banques frileuses, ajustant leurs marges selon leur appétence pour le dossier présenté.

Il est alors impérieux de s'ouvrir à d'autres stratégies de financement pour trouver comment financer les projets pluriannuels tant à court terme (trésorerie) qu'à long terme (investissements), tout en optimisant les charges financières.

Après l'analyse de ses besoins et de son stock de dettes, l'hôpital détermine s'il a recours à un taux fixe ou à un taux variable lors de sa consultation. Il cherche aujourd'hui plus de sécurité et de stabilité.

L'alternative serait-elle le financement citoyen ?

Fondée sur le principe que les citoyens engagent leur épargne pour financer leur hôpital, le financement citoyen passe par le biais d'une intermédiation d'une société qui va se mettre en quête de trouver des financements à court ou à long terme pour un hôpital auprès de sa zone d'attractivité principalement. L'idée est de proposer aux hôpitaux d'avoir recours à ce type de solution sur des besoins en trésorerie à moins d'un an et des besoins d'investissements dont la durée d'amortissement est inférieure à 8 ans. Ce mode alternatif et innovant de financement capitalise sur la « marque territoire » pour les citoyens de la zone d'attractivité de l'hôpital concerné et sur la « marque employeur » des professionnels de santé de l'établissement.

Financement simple, valorisant, engagé avec une compétitivité redoutable sur les taux fixes liée à un risque faible en matière de durée, ce financement se développe et engage les citoyens dans l'offre de soins de leur santé de demain. Il constitue un engagement pour sauver l'intérêt général de proximité des services publics et l'égalité d'accès aux soins et promouvoir les innovations.

Dans un système de santé fondé sur la solidarité nationale avec l'impôt et une redistribution permettant une sécurité sociale pour tous, est-ce aux citoyens de contribuer encore en surplus aux investissements et au maintien d'une offre de soins de qualité ? Comment répondre aux besoins de santé publique avec les inégalités territoriales de revenus, une démographie nationale en déclin et une paupérisation de la société française ? En outre, les territoires ruraux au revenu moyen inférieur à la moyenne nationale vont-ils pouvoir bénéficier de la même égalité d'accès aux soins ?

Ce nouveau dispositif ne risque-t-il pas d'encourager une médecine à deux vitesses de par l'inégalité d'accès aux soins ? Les dispositifs de régulation des dépenses d'assurance maladie sont fixés au travers de l'ONDAM chaque année. À l'heure où les franchises pour les soins, médicaments et actes techniques augmentent pour le patient avec un plafond annuel revu à la hausse, alors que la population française est vieillissante et a un besoin croissant en soins, dans une tendance à soigner plus et mieux grâce aux innovations thérapeutiques et à la recherche clinique, comment le citoyen lambda va-t-il continuer à soutenir le système de santé existant ?

Quelques hôpitaux ont déjà eu recours à ce type de financement citoyen sur des investissements de moins de 100 000 euros avec un succès relativement rapide, puisque la société intermédiaire a collecté les fonds nécessaires en moins d'un mois. L'expérimentation paraît donc séduisante.

L'hôpital public se modernise, il s'engage pour la santé de demain avec ses ambassadeurs au quotidien, les professionnels de santé, en y associant toujours plus le patient au travers de ses instances (représentants des usagers, patients experts, commissions des usagers...). Même si les patients deviennent eux aussi les financeurs de l'hôpital de demain par l'intermédiaire d'un dispositif de financement citoyen, il n'en demeure pas moins que la détermination de la structure territoriale de l'offre de soins demeure aux mains des institutions politiques nationales puis régionales, limitant de fait le pouvoir des citoyens à revoir la cartographie sanitaire des équipements d'un territoire et la liste des équipements d'un hôpital. Le levier financier est un élément essentiel, mais le levier des autorisations reste le maître du jeu de l'offre de soins.

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Au sommaireN°206
Novembre 2025

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