Comment décarboner le système de santé ?
Roland CASH
Dans le cadre du « shift project », think tank qui oeuvre en faveur d'une économie libérée de la contrainte carbone, un travail spécifique a été réalisé sur le secteur de la santé [1] .
La santé des individus souffrira du réchauffement climatique, mais le secteur de la santé constitue aussi une source importante de gaz à effet de serre (GES) : 46 millions de tonnes d'équivalent CO2, soit 8% du total national. Les achats de médicaments et dispositifs médicaux représentent 54% de ces émissions. Les transports (patients, visiteurs et personnels) constituent le deuxième poste avec 16% ; puis suivent les sources fixes de combustion et consommation d'électricité (13%), les immobilisations (9%) et l'alimentation (6%). Cette étude élargit ainsi le propos au-delà des seules consommations directes d'énergie, pour lesquelles les établissements de santé ont souvent déjà engagé des actions efficaces. Un point important réside dans la mise en évidence des co-bénéfices des politiques transversales santé-environnement en termes de santé, climat et réduction des inégalités : « un exemple souvent repris concerne les déplacements quotidiens à vélo, en bus ou à pied, qui coûtent moins cher que l'achat, l'assurance et l'entretien d'une voiture individuelle, produit des bénéfices sur la santé de la personne qui se déplace ... et sur les émissions de GES ».
Sur ces bases, le rapport émet deux catégories de recommandations dans un objectif de réduction de 5% des émissions de GES par an d'ici 2050.
Les recommandations sur les postes d'émissions concernent l'alimentation (réduire le gaspillage alimentaire, systématiser l'offre de repas végétariens...), la consommation énergétique des bâtiments, les déplacements (covoiturage, utilisation de véhicules électriques, mobilités actives...). Concernant les achats de médicaments et dispositifs médicaux, les chiffrages ne sont pas possibles en raison de connaissances insuffisantes sur les cycles de vie des produits ; néanmoins, des objectifs de réduction sont fixés, en assumant en particulier une maîtrise plus grande des prescriptions via la prévention et la promotion de la santé. L'utilisation de l'usage unique est aussi remise en question.
Les recommandations portant sur le système de santé dans sa globalité incluent une meilleure connaissance des émissions et des flux physiques, y compris pour les industriels, la formation des professionnels, la recherche, la structuration des acteurs de la promotion de la santé, etc.
Le rapport estime que ces mesures permettront de diminuer de 50% les émissions de GES en 2050 par rapport à 2020, mais l'objectif est de 80%. Pour combler le différentiel, il compte sur les actions de transformation du système de santé, tant au niveau organisationnel, social que clinique, à commencer par la prévention et la promotion de la santé.
Toutes ces réflexions sont très utiles et permettent de quantifier les efforts à fournir de la part des acteurs du système de santé, mais le fait qu'une grande partie des émissions évitées relève de la prévention et d'un moindre recours aux soins fragilise le raisonnement, tant on connaît la difficulté à modifier les comportements des individus pour améliorer leur propre santé. Aucun prospectiviste ne table sur une diminution des recours aux soins d'ici 2050.
Notes :
[1] « Décarboner la santé pour soigner durablement dans le cadre du plan de transformation de l'économie française », novembre 2021 Ce plan propose des voies pragmatiques pour décarboner l'économie française et la rendre compatible avec l'objectif de ne pas dépasser les 2° C de réchauffement (ce qui est d'ores-et-déjà inaccessible au train où vont les choses mais tel est le cadre fourni par l'accord de Paris de décembre 2015).