La lettre des décideurs économiques et financiers des hôpitaux

ÉDITORIAL-ÉVÈNEMENT

Quoi qu'il en coûte ?

 

Jean-Claude DELNATTE

Les hospitaliers ont-ils pris au pied de la lettre la formule « quoi qu'il en coûte » plusieurs fois employée par le Président de la République dans son discours du 12 mars 2020, au point de ne plus juger nécessaire de calculer les coûts des prestations de soins qu'ils produisent ? Si, comme le Président n'avait pas manqué de le rappeler dans le même discours, « la santé n'a pas de prix », ce dont tout le monde convient, doit on maintenant considérer qu'il n'est plus utile d'en connaître le coût?

La question mérite en effet d'être posée à la lecture du rapport de la Cour des comptes sur la T2A publié en juillet 2023, qui se réfère à une récente enquête de L'Agence technique de l'information sur l'hospitalisation (ATIH) sur l'utilisation des données qu'elle recueille, et des rapports d'observations définitives des chambres régionales des comptes portant sur des établissements publics de santé. Il en ressort que la comptabilité analytique hospitalière (CAH) ne connaît pas le déploiement que la direction générale de l'offre de soins souhaitait lui donner il y a maintenant une dizaine d'années et son utilisation serait même dans bon nombre d'établissements plutôt en retrait.

Les hôpitaux se conforment certes à l'obligation de produire annuellement les retraitements comptables (RTC) mais ils ne voient pas, dans leur grande majorité et malgré les efforts de restitutions de l'ATIH, l'intérêt qu'ils pourraient en retirer en gestion interne, et sont assez peu enclins à se porter candidats pour participer aux études nationales de coûts (ENC). Il est vrai que les RTC et les ENC sont principalement destinés à l'administration centrale pour piloter l'allocation de ressources mais il est également constaté une certaine désaffection des hospitaliers pour les outils spécialement conçus en vue d'aider la prise de décision en interne, dont la base d'Angers, qui permet d'appréhender le coût des productions à caractère administratif, médico-technique et logistique, d'une part, et les instruments proposés pour le pilotage des pôles tels les comptes de résultat analytiques (CREA), d'autre part.

Si les difficultés de recrutement de personnel compétent et la complexité des modèles sont souvent invoquées pour expliquer cette situation, les décideurs jugent sans doute aussi que les moyens à mettre en oeuvre pour développer et maintenir une comptabilité analytique pertinente sont disproportionnés par rapport aux avantages à en attendre pour la gouvernance de leur établissement. Face à la nécessité de faire des choix, ils ont pu privilégier les tableaux de bord fournissant des indicateurs à portée opérationnelle plus immédiate.

Dans ces conditions, la recommandation de la Cour des comptes tendant à harmoniser les règles de la CAH, qui le sont déjà en grande partie grâce au guide méthodologique, et à les rendre obligatoires, ce que prévoit déjà le code de la santé publique, risque de ne pas suffire pour motiver les hospitaliers à se re mobiliser sur ce champ.

Newsletter de Finances Hospitalières

Inscrivez-vous et soyez informé de nos nouvelles parutions et de l'actualité de notre site